En 2020, Altares, base de données BtoB, avait dressé un premier constat démontrant une forte baisse des défaillances d’entreprises sur le premier trimestre 2020, qui se traduisait par un recul de 21% en janvier 2020 par rapport à janvier 2019, avant une « chute vertigineuse » à partir de la deuxième quinzaine de mars (- 84%). Cependant, ces données étaient à lire en parallèle avec la fermeture des juridictions et les mesures prises pour faire face à la pandémie du Covid 19, qui limitaient les ouvertures de procédures collectives.

Depuis, beaucoup ont parlé d’une vague de faillites, pouvant surgir à tout moment. Cependant, les rédacteurs des ordonnances avaient mis en place de nombreux mécanismes pour faire face à la déferlante de défaillances des entreprises annoncée. Ceux-ci ont permis de maintenir à flot les entreprises, tant grâce aux prêts garantis par l’État, qu’aux reports de charges, aux assouplissements concernant les procédures judiciaires ou encore au renforcement des procédures amiables.

Certaines entreprises ont donc en quelque sorte été maintenues artificiellement en vie, et arrivent au bout de leur trésorerie, avec une activité ralentie. Parallèlement, les accompagnements du gouvernement prennent fin progressivement. Le PGE COVID a pris fin en juin 2022 (n.1).

Cependant, il ne faut pas oublier que les entreprises ont 6 ans pour rembourser leur PGE. Cela est prévu contractuellement, rappelle Maître Christophe Basse, mandataire judiciaire. Dans certains cas, en matière de prévention, le délai de remboursement peut même être repoussé jusqu’à 10 ans.

Qu’en est-il alors de cette fin d’année 2022 ? Malgré un portrait en apparence sombre, annonçant un mur de faillites, le constat est que le niveau de défaillances reste maitrisé et que nos entrepreneurs sont bien entourés.

MAQ fait le point avec vous !

Des faillites n’épargnant aucun secteur économique

« Après avoir connu des seuils historiquement bas ces deux dernières années, les chiffres du 1er semestre 2022 renouent progressivement avec les niveaux d’avant crise. La guerre en Ukraine, les problèmes d’approvisionnement et le pouvoir d’achat en berne sont autant de facteurs extérieurs d’incertitude pour les chefs d’entreprise, qui doivent inciter à la vigilance », selon Anthony Streicher, Président de l’association GSC (n.2).

Tous les secteurs sont touchés, certes, mais les activités en lien avec les consommateurs (B2C) sont les plus fragilisées.

En effet, la restauration traditionnelle est notamment concurrencée par la livraison ou la vente à emporter. Les modes de consommation ont changé avec la crise sanitaire. S’agissant du secteur de services à la personne, par exemple les salons de coiffure, la fréquence de visites a ralenti ; les Français étant plus frileux sur les dépenses.

Également, des difficultés émergent dans le bâtiment (second œuvre, fabrication et négoce de matériaux). En effet, le prix des matériaux est en hausse et l’approvisionnement n’est plus aussi fluide qu’auparavant, le conflit en Ukraine s’ajoutant à la crise du Covid.

Par ailleurs, Thierry Millon, directeur des études Altares indique que « les difficultés, qui se concentraient ces derniers mois sur les activités B2C se propagent et n’épargnent plus les PME ».

Enfin, du côté des régions, si tous les territoires sont dans le rouge, la région PACA semble le mieux résister, selon les données d’Altares. A l’inverse, les Hauts-de-France – où les défauts ont doublé durant l’été – retrouvent une situation équivalente à 2019.

Une hausse des défaillances depuis le début de la crise sanitaire en 2019

Le groupe Altares a dévoilé les chiffres des défaillances d’entreprises en France au 3ème trimestre 2022 : « Avec 8950 procédures collectives ouvertes entre le 1er juillet et le 30 septembre, le niveau des défaillances augmente de 69 % comparé à l’été 2021, un taux jamais observé depuis 25 ans ».

Les procédures de sauvegarde restent toujours peu nombreuses (229) au regard de l’ensemble des ouvertures. Cependant, au 3e trimestre 2022, leur nombre dépasse les seuils d’avant crise.

Du côté des procédures de redressement judiciaire, celles-ci sont en hausse de 63,2 % avec 2 109 jugements prononcés. A titre d’exemple, MY JOLIE CANDLE, start up nantaise qui vend des bougies cachant des bijoux, a été impactée par la crise sanitaire. Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte et la société a trouvé repreneur !

Quant aux liquidations judiciaires, celles-ci concentrent encore près des trois quarts (74 %) des jugements d’ouverture. Ce taux est nettement supérieur à celui constaté avant la crise sanitaire (68 %). Elles ont concerné 6 612 entreprises, soit une augmentation de 71,3 %. L’exemple phare du moment concerne la fameuse enseigne Camaïeu, dont la marque a récemment été rachetée aux enchères par Celio.

Selon l’étude d’Altares sur les défaillances au 3e trimestre 2022, on observe certes une hausse d’ouvertures de procédures collectives de 69 % sur l’été 2022 comparé à l’été 2021. Cependant, « avec 10 000 procédures de plus sur un an (+34 %), la France renoue avec les niveaux de défaillances de l’été 2020, mais reste encore loin des 53 500 procédures observées fin septembre 2019 ».

Pour autant, Maître Christophe Basse indique que « les catastrophistes ne devraient pas sous-estimer la résilience, la créativité, la force de travail, la volonté de nos entrepreneurs et les outils mis à leur disposition dans ces moments très perturbés ».

D’ailleurs, on peut observer une croissance d’ouverture des procédures de prévention à ne pas négliger. L’Observatoire des Données Economiques du CNAJMJ, dans son rapport de la semaine du 5 décembre 2022, indique qu’« après une hausse de 20,5% du nombre d’ouvertures de procédures de prévention au mois d’octobre 2022 par rapport à octobre 2021, la tendance haussière se poursuit au mois de novembre 2022 avec +18% par rapport à novembre 2021 ».

Ces procédures sont salutaires : « 80 % des entreprises qui sont venues en conciliation ont trouvé une sortie pérenne »(n.3). On peut noter le succès de la restructuration opérée par le groupe Pierre & Vacances dans le cadre d’une procédure préventive, ayant abouti à un plan de sauvegarde accéléré.

D’où toute l’importance d’anticiper pour prévenir au mieux ses difficultés.

Les soutiens post procédures apportés aux dirigeants : le droit au rebond

Aucun secteur économique ne semble épargné et les chiffres du 1er semestre 2022 de l’Observatoire révèlent une hausse de 30 %, par rapport à 2021, de la perte d’emploi des dirigeants d’entreprise. La fin d’année s’annonce difficile mais les dirigeants peuvent compter sur les nombreuses associations françaises de soutien et de rebond.

Prenons l’exemple de Second Souffle et de 60 000 rebonds, deux associations aux côtés des entrepreneurs en rebond.

SECOND SOUFFLE accompagne tous les entrepreneurs en rebond, post-liquidation ou post-cessation d’activité, qu’ils soient en société, micro-entreprise, freelance, indépendant, TPE / PME, avec ou sans salariés, sans limite de temps et sans critère de sélection. Second Souffle rappelle l’importance « de ne laisser aucun entrepreneur sur le bord de la route, ce qui serait une double peine après le jugement du Tribunal de Commerce ».

60 000 REBONDS insiste sur le fait que l’échec est « un nouveau départ vers une vie professionnelle plus épanouie. Ou le début d’une belle histoire, inspirante qui vaut la peine d’être humainement valorisée ». L’association a donc pour vocation d’aider les dirigeants, entrepreneurs, à se reconstruire sur le plan personnel pour les aider à rebondir vers un nouveau projet professionnel.

Un constat positif : une hausse de créations d’entreprises en 2022

L’INSEE révèle ses chiffres en octobre 2022 : le nombre total de créations d’entreprises, tous types d’entreprises confondus, continue de croître sur un mois. Il s’agit du cinquième mois consécutif de hausse. Ce nouvel accroissement est dû aux immatriculations de micro-entrepreneurs, qui augmentent nettement (+4,2 % après +0,8 %).

Pour Frédéric Barth, Directeur Général d’Altares, « au cours de ce premier semestre 2022, ce sont près de 90 000 nouvelles entreprises qui ont vu le jour chaque mois, un nombre bien supérieur à celui enregistré en 2019 (72 000 en moyenne). Cette dynamique de créations d’entreprises confirme la capacité des entrepreneurs à se projeter, en dépit d’un contexte économique difficile. Elle s’accompagne d’une disposition du chef d’entreprise à prendre des risques, qui pourrait être mise à mal au sortir de la pandémie de Covid-19 qui a fragilisé les structures financière ».

Le taux de défaillance en France se situe entre 1 et 2% et nous avons donc un stock d’entreprises en France, qui est toujours un peu plus important chaque année (+ 17 % de création d’entreprises en 2021).

Là encore il existe de nombreuses associations venant au secours des entrepreneurs. L’ADIE par exemple, propose des formations sur le développement des petites entreprises ou encore sur la gestion administrative et financière des micro-entreprises, et accompagne les entrepreneurs souhaitant se lancer, tant dans le développement de l’entreprise que dans son financement.

Par Agathe Caquineau

1 NB : Au 31 août 2022, seulement 1 256 entreprises ont sollicité le médiateur du crédit ou une autre solution pour restructurer leur PGE, soit 0.16 % du total des PGE.

2 « La GSC a pour ambition de répondre au besoin de protection contre le chômage des indépendants. L’association est composée de chefs d’entreprise et n’a pas de vocation lucrative […] L’association GSC représente ses adhérents auprès des assureurs et est là pour défendre leurs intérêts ».

3 Maître C. BASSE, Président d’honneur du CNAJMJ – novembre 2022 – BFM Business