Étude comparative

Les années Covid, rythmées par des mesures de confinement et/ou de couvre-feu dans le monde entier, ont évidemment impacté de plein fouet les entrepreneurs. 

De ce fait et, dans l’objectif de ne pas laisser place à un nombre inimaginable de sociétés en difficulté et une fragilisation trop importante du tissu économique à l’échelle mondiale, nombreux sont les Etats ayant aidé les entreprises résidant sur leur territoire. 

De nombreuses aides étatiques durant la crise du Covid :

A titre d’exemple et, grâce notamment à l’octroi de PGE, la France comptait seulement 30 000 entreprises défaillantes en moyenne entre 2020 et 2021 contre environ 55 000 en 2018. 

Le constat réalisé en France peut bien entendu être transposé à l’échelle européenne et, notamment en Allemagne où l’on dénombre en 2020 le plus bas niveau d’insolvabilité depuis 1993 avec seulement 15 840 entreprises défaillantes et la plus forte baisse (-15,5 % par rapport à 2019) depuis 1975. 

Ce phénomène s’est poursuivi jusqu’au milieu de l’année 2021 avec des chiffres de défaillances très bas, grâce au soutien massif apporté par l’Etat allemand. Ainsi, et bien que les défaillances aient augmenté dans certains secteurs comme le secteur des métaux (+ 7,1%) et de l’automobile (+ 31,6%), la majorité des faillites sont survenues dans les secteurs des services aux entreprises, de l’hôtellerie et de la construction. 

Pour autant, cette perfusion d’entreprises ne peut bien entendu avoir pour conséquence de sauver éternellement des entreprises qui se trouvaient déjà en difficulté avant la crise Covid, et qui sont d’autant plus touchées aujourd’hui par le contexte inflationniste et le remboursement des prêts qui leur ont été octroyés. 

Ainsi, les difficultés de remboursement des PGE, la hausse considérable du coût de l’énergie, et le déficit du commerce extérieur sont quelques-uns des facteurs déterminants laissant présager des années d’une rare difficulté pour les entreprises, en France comme en Europe et, dans le monde entier de manière générale. 

Une hausse progressive des faillites en France :

Depuis la fin de l’année 2021, le nombre d’entreprises en difficulté ne cesse de croître. On dénombre ainsi plus de 42 000 défaillances d’entreprises sur l’année 2022, ce qui correspond à une hausse de près de 50% par rapport à l’année 2021, une hausse qui n’avait d’ailleurs jamais été observée auparavant. 

Certes, le nombre de procédures ouvertes reste inférieur de 10 000 par rapport aux chiffres de 2019, soit avant la période Covid. Pour autant, compte tenu des chiffres actuels, cette augmentation d’entreprises défaillantes pourrait bien dépasser les chiffres d’avant-Covid. À ce titre, alors que l’été correspond généralement à une période judiciaire relativement calme, le nombre de faillites a plus que doublé en août 2022 par rapport à l’année précédente.

En outre, ce constat est d’autant plus vrai pour les petites entreprises, qui composent par ailleurs 92 à 94% du tissu économique français. En ce sens, ce n’est pas moins de 3 200 PME (entreprises de 10 à 250 salariés) qui ont défailli en France sur l’année 2022, menaçant près de 143 000 emplois directs. 

À ce propos, Monsieur Thierry Million, directeur des études Altares, soulignait quelques jours auparavant que « si le cataclysme n’a pas eu lieu en 2022, le rythme est plus soutenu qu’envisagé, faisant craindre un retour aux valeurs d’avant crise plus tôt que prévu. 2023 pourrait dépasser le seuil de 2019 et nous ramener aux valeurs de 2017, au-delà de 55 000. »

Les secteurs d’activité touchés sont relativement divers. En ce sens, le secteur de la construction est très touché puisqu’il regroupe une faillite sur quatre. Le secteur du commerce semble en difficulté également, et plus précisément le commerce de détail à l’instar des secteurs de l’épicerie, l’habillement et le meuble. Le domaine de la restauration n’est bien entendu pas épargné par ce risque d’augmentation fulgurante du nombre de défaillances. 

Une baisse de création d’entreprises : 

Force est de constater que le nombre d’entreprises créées a baissé de 7% du 1er janvier au 30 novembre 2022. Ce constat est vérifiable à l’échelle de l’hexagone mais il est encore plus visible dans les régions du Pays de la Loire, Centre-Val de Loire et Nouvelle-Aquitaine où le recul va jusqu’à 10% en comparaison à l’année passée.

Cette baisse de création d’entreprises se ressent de manière très forte dans les secteurs de l’hébergement et de la restauration, ayant forcément souffert durant la période Covid marquée par les diverses mesures de confinements et couvre-feu. 

Un même constat vérifiable à l’échelle européenne…

En Europe, nombreux sont les Etats ayant essayé de sauver le plus grand nombre d’entreprises par le biais d’un soutien massif. Tel est notamment le cas en Espagne. Pour autant, ce pays a connu une hausse fulgurante des défaillances dans le secteur du tourisme au cours du second semestre de l’année 2020. 

Au Royaume-Uni, la période allant de début à fin avril 2020 a connu une envolée de 70% du nombre d’entreprises ayant fait faillite en comparaison avec le début de l’année précédente.  

Enfin, dans les pays d’Europe Centrale et Orientale, les statistiques de plusieurs pays confirment qu’après une baisse des faillites d’entreprises en 2020, ces procédures ont augmenté en 2021 pour revenir à des niveaux proches de ceux enregistrés en 2019, année avant l’arrivée de la Covid. 

Sept pays ont enregistré une hausse du nombre de faillites par rapport à l’année précédente (Bulgarie, Tchèque, Hongrie, Lituanie, Pologne, Roumanie et Slovaquie), et cinq pays ont enregistré une baisse (Croatie, Estonie, Lettonie, Serbie et Slovénie). 

Au cours de l’année 2021, la Pologne a connu un quasi-doublement du nombre de procédures, principalement du fait d’un afflux de procédures spécifiques mises en œuvre pour soutenir les entreprises souffrant de difficultés de liquidité dues à la pandémie. Malgré cette poussée, le taux d’insolvabilité en Pologne, c’est-à-dire la part du nombre total de procédures dans le nombre total d’entreprises actives, a atteint 0,06 %, ce qui signifie que seulement 6 entreprises sur 10 000 en Pologne ont suivi les procédures officielles disponibles. Des taux d’insolvabilité beaucoup plus élevés ont été enregistrés dans les pays où les procédures d’insolvabilité sont plus populaires – ces taux ont atteint 1,61% en Croatie et 3,31% en Serbie.

Tout compte fait, il faut donc véritablement nuancer la faible augmentation d’entreprises défaillantes depuis 2020. Une simulation réalisée par Coface démontre que les défaillances en 2020 auraient dû augmenter de 19% en Espagne, 6% en France, 6% en Allemagne et 7% en Italie (appelées « défaillances simulées »). Cela signifie donc que l’année 2020 a finalement laissé un grand nombre de « faillites cachées » prenant beaucoup plus de temps que d’ordinaire à se matérialiser. Ainsi, toujours selon cette même étude, la taille des défaillances cachées sur l’année 2020 serait d’environ 44% des défaillances de 2019 pour la France (22 500), 39% pour l’Italie (4 100), 34% pour l’Espagne (1 600) et 21% pour l’Allemagne (3 950).

… et sans doute valable à l’échelle mondiale :

La crise du Covid, suivie de la guerre en Ukraine, et de la hausse du coût de nombreuses matières et produits, sont autant de facteurs qui touchent et toucheront le monde entier dans les années qui arrivent. De ce fait, et de manière assez prévisible, le constat d’une hausse des défaillances est sans doute à envisager à l’échelle mondiale. 

En effet, durant la crise Covid déjà, on notait un début de rattrapage du nombre de défaillances d’entreprises sur le deuxième trimestre 2021 à l’échelle mondiale, lequel passait de -19 % à -2 %. 

En Afrique, tout comme en Europe de l’Est – Pologne (+ 32 %), Bulgarie (+ 13 %) –, et en Amérique du Sud, l’insolvabilité était en croissance en 2021, s’expliquant par le frein anticipé des mesures d‘aides publiques aux entreprises, la réouverture des tribunaux, et des fragilités évidentes de trésoreries.

En revanche, sur la même période, le schéma était inversé en Asie, à l’instar de l’Inde ayant enregistré une chute de 62% de son taux d’insolvabilité en raison du maintien de la fermeture des tribunaux…

Par Candice Cohen Louyot